Je viens de lire dans un fait divers de journal un drame de passion. Il l’a tuée, puis il s’est tué, donc il l’aimait. Qu’importent Il et Elle ? Leur amour seul m’importe ; et il ne m’intéresse point parce qu’il m’attendrit ou parce qu’il m’étonne, ou parce qu’il m’émeut ou parce qu’il me fait songer, mais parce qu’il me rappelle un souvenir de ma jeunesse, un étrange souvenir de chasse où m’est apparu l’Amour comme apparaissaient aux premiers chrétiens des croix au milieu du ciel.
J’écris ceci en étant sous la pression d’un stress particulièrement important, puisque ce soir je ne serai plus. Fauché, et à la fin de ma réserve de drogue qui seule rend ma vie supportable, je ne peux endurer la torture plus longtemps. Je me jetterai par la fenêtre de ma mansarde dans la rue sordide qui se trouve en contrebas.
Quelle journée admirable ! J’ai passé toute la matinée étendu sur l’herbe, devant ma maison, sous l’énorme platane qui la couvre, l’abrite et l’ombrage tout entière. J’aime ce pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l’attachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l’air lui-même.
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